Je me suis réveillé avec une autoroute à dix bandes dans la tête, ça pensait dans tous les sens et dans une belle anarchie, il me fallait remettre un peu d’ordre dans ce joyeux mais encombrant jeu de quilles. Et comme, contrairement aux prévisions, il fait très beau, je n’ai aucune raison de retarder mon départ.
Ce matin, je commence au tram. Sans surprise, je ramasse surtout des sachets de sel (je me dis que si un jour une personne qui n’habite pas la commune me lit, elle cherchera longtemps le lien entre un tram et du sel. Donc, on ne sait jamais, le tram, c’est la friterie)
Je trouve une carte à jouer, je parie : valet de trèfle ; je la retourne, perdu : deux de pique. Je pense bien n’avoir jamais gagné à ce genre de jeux.
Une bouteille en mille morceaux ; je n’ai pas le matériel pour tout ramasser, je laisserai faire les professionnels.
Les arbres encore nus se dessinent merveilleusement sur fond de ciel bleu. Je me souviens qu’à l’automne, c’est l’inverse, les couleurs de novembre se détachent mieux sur un fond gris. C’est pour ça que j’aime tellement novembre.
– C’est bien ce que vous faites, parce qu’il y a des cochons hein.
– Merci. Il y a surtout des gens qui ne jettent rien.
– C’est vrai.
C’est vrai aussi qu’au printemps, il y a beaucoup plus de fleurs que de déchets. L’autoroute dans ma tête s’est transformée en un petit sentier champêtre :
« Je ne parlerai pas, je ne penserai rien,
Mais l’amour infini me montera dans l’âme,
Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,
Par la nature, heureux – comme avec une femme. »
Rimbaud
Suis-je allé loin ? Au fond, oui.