Cette fois, je n’ai pas manqué mon rendez-vous avec la pluie. Mais du coup, le martèlement des gouttes sur mon capuchon rendait inaudible tous les bruits d’alentour, et ce n’était certes pas un temps à mettre un carnet de notes dehors. Je pourrais, à présent à l’abri, composer une ode à la pluie, mais je me souviens qu’un autre l’a fait tellement mieux que je ne le pourrais. Alors, je lui cède volontiers la place :
Il pleut
Averse averse averse averse averse averse
ô pluie ô pluie ô pluie ô pluie ô pluie ô pluie!
gouttes d’eau gouttes d’eau gouttes d’eau gouttes d’eau
parapluie ô parapluie ô paraverse ô!
paragouttes d’eau paragouttes d’eau de pluie
capuchons pèlerines et imperméables
que la pluie est humide et que l’eau mouille et mouille!
mouille l’eau mouille l’eau mouille l’eau mouille l’eau
et que c’est agréable agréable agréable
d’avoir les pieds mouillés et les cheveux humides
tout humides d’averses et de pluie et de gouttes
d’eau de pluie et d’averse et sans un paragoutte
pour proteger les pieds et les cheveux mouillés
qui ne vont plus friser qui ne vont plus friser
à cause de l’averse à cause de la pluie
à cause de l’averse et des gouttes de pluie
des gouttes d’eau de pluie et des gouttes d’averse
cheveux désarçonnés cheveux sans parapluie
Raymond Queneau