Avant de partir, j’arrose les semis qui me nourriront cet été, puis je m’en vais dans un nouveau premier matin du monde. Je sais évidemment les erreurs, les tristesses, les horreurs, les drames, les tragédies, les bassesses, mais cette part-là est laissée sur le bord du trottoir, quand le balayeur salue le premier matin du monde pour humblement participer à son réenchantement.
La locataire du 71b prise en photo l’autre jour s’appelle Cheese.
Les merveilleux nuages dessinent des figures de Muppets Show.
Un tout petit bout de plastique rouge entre les feuilles me fait penser au petit pan de mur jaune pratiquement invisible de « La vue de Delft » de Vermeer.
Un lacet mauve enfoncé très loin dans la terre, des dizaines de revues empilées sur un muret, un livre lacéré au titre évocateur « Les dieux ont soif ».
Les nuages se sont amoncelés, ils ne dessinent plus rien.
Si on repeignait les immeubles gris sale entourant le Studio-Logis, ce serait en quelle couleur ?
Un bas-relief à hauteur des fenêtres du premier étage, est-ce encore un bas-relief ?
Mon sac trop lourd de trop de revues est percé ; heureusement, il ne perd rien. Je le quitte en le remerciant d’avoir dansé dans le vent avec moi.